Certains veulent la peau des communications radio en Formule 1, pendant que d’autres pensent qu’elles sont le marqueur d’une certaine transparence. Toujours est-il que les fameux « team radio » ou « radio ga-ga » ont changé notre façon de suivre la Formule 1 en nous permettant de mieux comprendre ce qu’il se passe sur la piste. Ces communications sont bel et bien devenues un des piliers de la com’ en F1.
Culte
Ces conversations emmènent le téléspectateur à bord de la voiture, ou plus précisément entre le pilote et son ingénieur exploitant.
Ces derniers forment parfois des tandems, comme Sebastian Vettel et Guillaume Rocquelin, Felipe Massa et Rob Smedley, ou encore Fernando Alonso et Andrea Stella. Des tandems voire des couples avec des disputes, des propos souvent crus et des répliques devenues cultes comme le fameux « Fernando is faster than you » du Grand Prix d’Allemagne 2010.
On se souvient également de Kimi Raikkonen au Grand Prix d’Abu Dhabi 2012 qui répond sèchement à son ingénieur exploitant « Laissez-moi tranquille, je sais ce que je fais ». Tellement culte que le finlandais offrira des tee-shirts aux employés de Lotus avec cette fameuse phrase… Ces conversations tranchent avec les discours convenus et la langue de bois des interviews traditionnelles.
Immersif ou gênant ?
Selon Lionel Froissart, spécialiste Formule 1 à Libération, « l’intimité du pilote est violée ». Les communications avec son équipe ne sont plus secrètes comme cela était le cas dans le passé, ce qui peut être considéré comme un changement de paradigme. Cela gomme le secret et la solitude du cockpit qui s’ouvre aux millions de téléspectateurs du monde entier. Le sportif devient alors communiquant.
En effet, pour les pilotes, ces communications apparaissent aussi comme un moyen de faire pression et comme un moyen de se faire entendre. Certains tombent parfois dans la délation, comme ça peut être le cas sur une manoeuvre litigieuse où le pilote va demander à ce qu’une pénalité soit attribué à son concurrent, à tel point que beaucoup d’observateurs de la F1 se plaignent de l’utilisation excessive de ces conversations : les pilotes seraient télécommandés par leurs ingénieurs qui donneraient beaucoup trop de consignes, notamment sur le pilotage, là où le pilote est censé être sur son terrain. Le débat a été lancé, mais faut-il les interdire ?
La FIA souhaitait les restreindre dès le Grand Prix de Singapour 2014, mais a finalement fait marche arrière devant les inquiétudes et le lobbying des équipes. Ce n’est qu’en 2015 que les communications liées « à la performance » seront interdites. La mesure reste ambigüe et les équipes pourront continuer à interpréter à leur guise le règlement, même si la FIA tente d’être plus précise sur ce règlement. Pas de consignes sur le pilotage demande la FIA, en rappelant que « le pilote doit conduire seul et sans aide ». La règle serait-elle déjà dépassée avant même d’être née, tant l’électronique a pris aujourd’hui une place prépondérante en F1 ? Combien de fois avons-nous entendu des pilotes dirent « que dois-je faire ?… dîtes moi ce que je dois faire ? ». Notons tout de même que les conversations liées à la sécurité, à la météo ou à la stratégie resteront autorisées.
Selon Alain Prost, quadruple champion du monde de F1 et consultant Canal +, « S’il y a bien une chose négative au sujet de la F1 moderne, ce sont les messages radio. Pour le public, pour les spectateurs, pour les téléspectateurs, ces messages sont très négatifs. Même si ce n’est pas absolument vrai, les gens finissent par penser que la F1 est devenue quelque chose de trop assistée, facile et contrôlée par une autre personne que le pilote ».
Poésie et courtoisie à 300 km/h
Au-delà des « Box, box, box » , « push push push » , »good job » et « well done » que l’on entend à chaque Grand Prix, voici une compilation des meilleures conversations de la saison 2014 :
AUSTRALIE
Sebastian Vettel : « Pour vous prévenir que le moteur a un problème et que je vais être dépassé… faîtes quelque chose !!! C’est n’importe quoi les gars »
Problème moteur dès les premiers tours du premier Grand Prix de la saison 2014 pour Sébastian Vettel. Entre colère et frustration. Le ton de sa décevante saison était donné.
BAHREIN
Nico Rosberg : « Qu’on ne vienne pas me dire que la Formule 1 est un sport ennuyeux ».
L’allemand s’exprime après son duel épique avec Lewis Hamilton dans la nuit du Bahrein.
CHINE
Sebastian Vettel : « C’est une blague !? Sérieux !? On lui a dit de s’écarter ?? Incroyable !! Il a des pneus neufs, bien sur qu’il est plus rapide. Mais dans deux tours on n’en parle plus de la Caterham »
Vettel alors 5e de la course, vient de mettre un tour à la Caterham de Kobayashi. Le japonais se permet ensuite de griller la politesse à Vettel en repassant devant lui.
Sebastian Vettel : « Tant pis »
Guillaume Rocquelin, l’ingénieur de l’allemand, lui demande de laisser passer Daniel Ricciardo. Vettel résiste et demande sur quelle stratégie est son équipier australien. Rocquelin répondra « Daniel est aussi en medium et s’est arrêté plus tard que toi », ce à quoi Vettel répliquera ce fameux « tant pis » qui marquera le début de la fin de l’allemand chez Red Bull et sa défaite face à son jeune équipier.
Nico Rosberg : « Ca m’embête vraiment de vous répondre, si vous pouviez arrêter »
Les ingénieurs de l’allemand sont sans télémétrie sur le muret des stands, ce qui pose problème pour les réglages et la stratégie… Rosberg doit alors lire certains indicateurs sur son volant et les transmettre à son équipe régulièrement durant la course, ce que l’allemand fait avec patience jusqu’à un certain point.
MONACO
Lewis Hamilton : « J’ai un problème à l’œil gauche. J’ai une poussière ou quelque chose dans l’œil »
Lewis Hamilton était en train de revenir sur Nico Rosberg, leader du Grand Prix. Soudain, l’anglais perdait de plus en plus de terrain et se faisait même rattrapé par Ricciardo. Après la course, l’anglais restera évasif sur cette fameuse poussière dans l’oeil.
Lewis Hamilton : « je savais que vous n’alliez pas me faire rentrer… je le savais… on aurait du s’arrêter au tour précédent les gars !! »
Après la polémique de la qualification et la sortie de Nico Rosberg au virage de Mirabeau, y’aurait-il une conspiration anti-Hamilton ? un complot ? Ambiance chez Mercedes…
AUTRICHE
Felipe Massa : « Bravo les gars, très très bon boulot !! Excellent ! »
Le pilote brésilien reprend goût au plaisir d’une pole. Ce sera le seule pole qui n’aura pas été signée par une Mercedes cette saison.
ANGLETERRE
Fernando Alonso : « Il (Vettel) profite des limites du dernier virage pour utiliser son DRS ! Il utilise le DRS à la sortie des virages 5 et 9 (…) Il n’a pas le droit ! Qu’est ce que je pourrais faire de plus de mon côté ? »
Sebastian Vettel : « Il (Alonso) n’a pas le droit de faire ça !! C’est n’importe quoi ! On été à deux doigts de s’accrocher ! »
Ils se sont battus pour le titre en 2010 et 2012 l’un contre l’autre. Sur la piste de Silverstone, pendant plusieurs tours, ils se sont livrés à l’un des plus beaux duels de la saison 2014. Quand deux top drivers se rendent coups pour coups, c’est un véritable plaisir. Dommage que l’affrontement ait tourné à l’ambiance cour d’école via les teams radio.
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ALLEMAGNE
Lewis Hamilton : « Ca va… je vais bien… J’ai freiné et les freins ont lâché. »
Le britannique vient de sortir à près de 200 km/h dans le stadium d’Hockenheim pendant les qualifications. Sonné, mais aussi frustré de ne pas pouvoir se battre pour la pole.
HONGRIE
Nico Rosberg : « Demandez à Lewis de me laisser passer. Je suis plus rapide (…) pourquoi il ne me laisse pas passer ?? »
Lewis Hamilton : « Si il veut passer devant, alors qu’il essaie de me doubler ! »
La radio, arme de déstabilisation. Dialogue indirect entre Rosberg et Hamilton, via la radio et les ingénieurs.
BELGIQUE
Lewis Hamilton : « Nico vient de me toucher ! Nico m’a touché »
Point culminant de la saison 2014 et de la rivalité entre Hamilton et Rosberg, la touchette au virage des Combes à Spa. Le tournant du championnat. Lewis perdra la bataille de Spa, mais c’est bien lui qui aura remporté la guerre cette saison.
SINGAPOUR
Daniil Kvyat : « J’ai besoin de m’arrêter, vous n’auriez pas quelque chose à boire? »
Le Grand prix de Singapour est long et particulièrement éprouvant pour les machines comme pour les hommes. Ce n’est pas le genre de course où l’on peut connaître un problème de ravitaillement en boisson. Et bien c’est ce qui est arrivé à Daniil Kvyat, presque déshydraté. Un comble quand on court pour une marque de boisson…
Kevin Magnussen : « Mon baquet est beaucoup trop chaud, il brûle ! C’est hyper chaud, c’est brulant, je ne peux pas boire »
A Singapour, le liquide embarqué dans le cockpit n’était pas au goût de Kevin Magnussen. Comment piloter et attaquer dans ces conditions extrêmes ? Apparemment le danois n’avait pas la réponse à cette question.
ETATS-UNIS
Romain Grosjean : « C’était quoi ça ?? »
La surprise (ou l’incompréhension) de Romain Grosjean après s’être fait dépassé de façon cavalière par Jean-Eric Vergne au premier virage du Circuit des Amériques. Vergne sera pénalisé pour avoir harponné Grosjean dans la manoeuvre.
Jenson Button : « Vous êtes surs que je peux rentrer !? Il y a quelqu’un d’autre que vous voulez que je laisse passer !? »
McLaren a favorisé son équipier Magnussen pour rentrer au stand, ce qui a coûté plusieurs places à Button qui ne manque pas de remettre en cause la stratégie de son équipe.
BRESIL
Fernando Alonso : « Aie Aie Aie Aie Aie… Aie Aie Aie Aie Aie… comment est-ce possible que la batterie du DRS ne soit pas totalement chargée ??!! » :
En pleine qualification, cette frustration apparaît comme un symbole du divorce entre la Scuderia et Fernando Alonso, plus qu’exaspéré par le comportement de sa voiture.
ABU DHABI
Nico Rosberg : « J’aimerais me rendre jusqu’au bout, s’il-vous-plaît. » :
Alors que sa Mercedes accumule les ennuis mécaniques, Nico Rosberg se retrouve 14e, et est en train de perdre le championnat du monde et sa lutte contre Hamilton. A 2 tours du drapeau à damiers, son équipe lui demande d’abandonner. L’allemand souhaite aller jusqu’au bout, comme une façon d’y croire jusqu’au bout, de se battre jusqu’au bout. Dignité et bel état d’esprit.
Le Prince Harry : « Lewis, tu es une véritable légende. Bravo mon ami. » :
Lewis Hamilton vient de remporter le Grand Prix d’Abu Dhabi et sa deuxième couronne mondiale. Instant historique. Le prince Harry, en personne, présent sur le muret de Mercedes, félicite son compatriote britannique.