Après 21 courses, le cru 2016 de la Formule 1 a rendu son verdict à Abu Dhabi. Mais la plus longue saison de l’histoire réservait encore un rebondissement particulièrement inattendu avec la retraite du champion du monde en titre Nico Rosberg. On le fait le bilan des temps forts de cette saison avec Cédric Callier du Figaro, entre le duel Hamilton Rosberg, le rachat de la F1 et un début de projection vers la saison 2017. Sans oublier le retour du Grand Prix de France…
Bruno Cammalleri : Après l’annonce de la retraite de Nico Rosberg et l’acquisition de son titre de champion du monde, après trois saisons de lutte intense, en particulier en 2016 avec certains épisodes marquants comme l’accrochage à Barcelone, le dernier tour en Autriche ou le finish d’Abu Dhabi, le duel Hamilton-Rosberg restera t-il dans l’histoire de la Formule 1 ?
Cédric Callier : Pas évident de juger de la pérennité de ce duel. Ce qui est sur c’est que ça était une saison assez particulière, avec certains temps forts et certains accrochages. Mais le problème c’est qu’on ne les a jamais vraiment vu tous les deux au sommet en même temps. Dommage. Il y a plutôt eu des séries de victoires, et c’est pour cela que ça était un peu dur à suivre. Je crois que Lewis Hamilton s’est sans doute perdu pendant l’intersaison 2015-2016 et qu’il a payé très cher avec un 4-0 encaissé dès le début de saison 2016, après il a repris la main, puis Rosberg l’a repris à nouveau. On n’a pas eu de course vraiment fantastique ou de duel type Bahrein 2014. Ca a manqué de courses comme cela. Donc ça restera une belle année, après est ce que ça restera une grande année et un grand duel je ne suis pas sur…
Bruno Cammalleri : Et si ce que l’on pourrait nommer « l’autre duel », à savoir Red Bull VS Ferrari, avec son lot de polémiques et de manœuvres controversées, avait été in fine plus passionnant à suivre ?
Cédric Callier : Sans doute ! Max Verstappen a très clairement été le grand animateur de la saison. Pour le meilleur comme pour le pire. Ce qu’il a fait au Brésil a été extraordinaire et fut l’un des plus grands moments de la saison quand il effectue sa folle remontée en fin de course, on avait l’impression qu’il roulait 5 fois plus vite que tout le monde. Il y a quand même des manœuvres de Verstappen qui sont plus que limites comme à Spa. Il a une manière de défendre sa position qui est très limite. Après je trouve que ces attaques sont vraiment bien, à ce niveau là il y va, il tente des choses. C’est plus quand il est attaqué que je le trouve limite, avec une manière de zigzaguer particulière. Or on sait que normalement la règle dit qu’on ne doit pas changer de ligne… Mais sur le duel Red Bull VS Ferrari, ça a surtout été un duel Vettel – Verstappen, même s’il y a eu certaines escarmouches entre Raikkonen et Verstappen. Je trouve que ce Vettel – Verstappen a été intéressant à suivre car on a découvert une autre facette de Vettel pas très flatteuse.
Bruno Cammalleri : Le Top/Flop de cette saison 2016…
Cédric Callier : Pour moi parmi les tops il y a Rosberg, son titre étant une juste récompense. Il est certes moins talentueux qu’Hamilton, c’est clair, mais si il a été champion c’est qu’il a su profiter du fait qu’Hamilton se soit un peu égaré sans doute en dehors. Il ne faut pas oublier que ça reste une saison à 21 épreuves, donc être champion sur 21 GP ce n’est quand même pas rien ! Je pense qu’il le mérite et sa carrière dans l’ensemble méritait un titre. Concernant Verstappen, j’hésite dans quelle catégorie le mettre ! Par moment ça était top, dans d’autres fois ça était un flop… Ce qu’il a fait au Brésil c’est bien sur un top, il arrive chez Red Bull et gagne son premier Grand Prix… Par contre prendre le mur comme il a fait à Monaco n’est pas un top ! Verstappen en top avec quelques moments flop !
Je retiendrai dans les tops l’émouvante sortie de Felipe Massa au Brésil. Dommage qu’il termine son dernier à domicile comme cela, mais on a eu l’impression dans cette F1 déshumanisée qu’il y a eu un moment très humain et touchant.
Autre top pour moi, le transfert d’Esteban Ocon chez Manor, puis Force India, il aura voiture qui lui permettra de viser la P8/P9 à chaque Grand Prix.
Dans les flops, je place Sebastian Vettel. Immense flop même. Tout le temps en train de se plaindre à la radio. Je l’ai trouvé très frustré, et sur certaines courses on avait l’impression qu’il n’y était pas. Flop aussi pour Renault pour son grand retour en F1 même si on n’en attendait pas des miracles. Mais on attendait quand même mieux que ça. Je pensais qu’ils étaient capables de mettre les Sauber et les Manor nettement à distance derrière eux, ce qui n’a pas été le cas. Je les voyais se battre plus souvent pour les points. Après Renault avait deux pilotes qui sont des bons pilotes mais comme on peut en trouver 15 autres comme ça. Il leur faudrait un pilote qui soit réellement capable de tirer 110% de la voiture et d’aller chercher au-delà. Mauvaise saison de Renault, quand on voit que Haas a été capable de prendre 29 points, contre 8 pour Renault, ce n’est pas flatteur.
Bruno Cammalleri : Dans les temps forts de cette saison 2016 de F1, on retiendra le rachat des droits commerciaux de la F1 par Liberty Media. Que retenir de cette annonce ?
Cédric Callier : Pour l’instant il faut reconnaître que c’est encore assez flou. Ce rachat a l’air d’être une bonne chose. Pour en avoir discuter avec Toto Wolff, il avait l’air plutôt optimiste. Liberty Media devrait développer certaines choses qu’on ne voit pas trop. Ils devraient développer aussi les réseaux sociaux, la F1 sera peut être mieux exposée médiatiquement . Ils ont là une expertise claire, car c’est une société américaine spécialisée dans les médias et le divertissement. Réussirons-t-ils à faire ce Grand Prix à Las Vegas et développer le marché américain ? A priori, de notre point de vue européen à nous ça ne devrait pas changer grand chose, surtout que Bernie Ecclestone devrait rester en place encore quelques temps. Il faudra au moins 3 ou 4 ans avant se faire une vraie idée de ce qu’ils vont apporter. Sur la saison 2017, ils n’auront pas de réel impact.
Bruno Cammalleri : Toujours sur le plan économique et financier, quid de la situation des sponsors en F1 et du partenariat avec Heineken, avec un accord estimé à 250 milliards de dollars sur 5 ans ?
Cédric Callier : Oui il y a forcément une inquiétude sur le financement des écuries et les sponsors. Le monde de la F1 n’a pas oublié la crise et les départs de BMW et Toyota par exemple fin 2009. Est ce que, justement, Liberty Media n’arrive pas là pour développer tout ça et attirer des grandes marques, notamment aux Etats-Unis… Ce qui est certain, c’est que ces dernières années on a eu une volonté de la F1 de se développer en Asie et que pour l’instant ça n’a pas débouché sur grand chose. Donc, c’est peut être là qu’il faut creuser. Est ce que Liberty Media aura les coudées franches là-dessus ? On peut aussi se demander si l’élection de Donald Trump aura un impact direct ou indirect… Quand on voit sa probable gestion de la diplomatie vis à vis des pays asiatiques, est ce que cela aura un impact sur la F1 en sachant que Liberty Media est un groupe américain, si ils souhaitent développer le marché sur l’Asie alors l’enjeu diplomatique pourrait interférer.
Bruno Cammalleri : En cette fin de saison 2016, outre la retraite de Nico Rosberg, l’autre surprise aura été l’annonce du retour du Grand Prix de France pour l’été 2018 pour au moins 5 ans, au Castellet . 10 ans après Magny-Cours…
Cédric Callier : Voilà une excellente nouvelle pour les amateurs de F1, pour au moins 5 ans donc. Bernie Ecclestone disait qu’il n’y a pas de raison que cela ne soit pas pérennisé. Ce qui a été assez drôle et fort de leur part, c’est que cela a été fait d’une manière très discrète, cela a fuité vraiment au dernier moment, même Thierry Braillard l’a appris en regardant les chaînes d’information. C’est donc un joli coup. Ils ont su détacher ça de l’aspect politique. L’avantage c’est que quel que soit le résultat des élections de 2017, ça ne devrait avoir aucun impact, car le financement est public/privé avec 14 millions d’euros de subventions publiques et 16 millions d’euros de recettes directes, dont 14 millions d’euros issus de la billetterie. Une très bonne nouvelle donc, en sachant aussi que le circuit du Castellet était prêt à recevoir un Grand Prix. On sait aussi que le Grand Prix de France sera organisé en été. Il vaudrait mieux que ce soit fin juin ou fin août/début septembre, mais pas en plein coeur de l’été, pour développer le tourisme, en allongeant la saison estivale. Donc soit la faire partir un petit peu plus tôt, soit la prolonger début septembre. Même si la F1 n’est pas un sport olympique, je pense que c’est aussi une bonne nouvelle pour la candidature de Paris 2024, et que tout cela va dans le bon sens au niveau de la dynamique sportive.
Bruno Cammalleri : 2017 arrive avec des nouveaux pneus Pirelli, une nouvelle règlementation technique et une nouvelle génération de pilotes qui s’installe avec Verstappen, Wehrlein, Ocon, Vandoorne… est-on au commencement d’une nouvelle ère de la F1 ?
Cédric Callier : Oui je pense. Toto Wolff estime le gain par tour de minimum 3 à 4 secondes, ce qui est beaucoup pour la Formule 1 où tout se joue au dixième voire au centième de seconde. Et cela pourrait même être encore plus important sur certains circuits. Visuellement ce sera impressionnant dans les passages en courbe où ca ira plus vite. Et donc l’exigence physique sera plus élevée pour les pilotes. On devrait voir certains pilotes davantage en difficulté et s’attendre à voir sur les podiums les pilotes plus éprouvés. Quant à la nouvelle génération, Ocon sur Force India sera très attendu et aura une vraie carte à jouer. Vandoorne (photo ci-dessous) promet aussi beaucoup, hâte de le voir face à Alonso chez McLaren. Tout cela promet une saison excitante à tout point de vue !