Journaliste, présentateur et rédacteur en chef de la Formule 1 sur Canal+ Thomas Sénécal nous a reçu à l’aube d’une saison 2017 de F1 qui s’annonce très disputée. Toujours impeccable à l’antenne, en particulier dans l’émission « La Grille » qu’il présente, Thomas Sénécal pilote ses émissions comme ses équipes en véritable chef d’orchestre. Journaliste sur TF1 où il a présenté « Automoto », il rejoint le service des sports de Canal+ en 2009. Après le rachat des droits de la Formule 1 en février 2013 par Canal+, Cyril Linette, alors patron des sports du groupe, le nomme rédacteur en chef F1. Après 4 saisons, l’excellence du traitement de la Formule 1 par Canal+ n’est plus à démontrer, que ce soit du point de vue de la qualité des directs, au niveau de l’immersion avec des émissions comme « On board », ou du point de vue du prestige des consultants comme Alain Prost, Jean Alesi, Jacques Villeneuve et Franck Montagny. Entre passion pour la F1, enjeux de la saison 2017, réseaux sociaux, mais aussi championnat du monde de Formule E, Sportsmarketing.fr a posé 7 questions à Thomas Sénécal.
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Bruno Cammalleri : Pouvez-vous nous parler de votre rapport personnel à la Formule 1, et au sport automobile en général ?
Thomas Sénécal : Le sport automobile est dans mon ADN ainsi que dans celui de ma famille. Je suis né dans l’automobile, mon père vendait des voitures, on a fait des rallyes ensemble, mon frère a été pilote. On a grandi avec l’automobile qui fait vraiment partie de notre vie, et c’est même un ciment de la vie familiale. J’ai ça en moi, on regardait les courses de Formule 1 très tôt, dans le sens tôt le matin et dans le sens de l’âge, j’avais 11 ans pour le titre d’Alain Prost en Australie 1986. J’ai donc un rapport intime et familial à la F1. C’est une relation très ancienne, sincère. Après j’ai fais mon cheminement d’étudiant : classe prépa, études d’histoire, le CFJ, et puis quand j’ai cherché un boulot je me suis dis : ‘il y a ce que je sais faire, à savoir le journalisme, et ce que j’aime comme domaine, ce que je connais bien aussi qui est l’automobile’. J’ai envoyé ma candidature à Automoto qui m’a répondu très vite, et j’ai commencé comme ça.
Aujourd’hui c’est mon métier, je dois prendre beaucoup de distance et de recul. Je ne dois pas être un fan et je ne réagis pas comme un fan dans mes responsabilités actuelles. De la même manière, quand on commente le club de foot de son cœur on ne doit pas réagir en fan. Je ne suis pas dans une démarche de supporter avec une équipe que je soutiendrai, j’essaie d’avoir du recul, de garder la tête froide et de rester lucide sur ce qu’est la Formule 1 aujourd’hui.
Bruno Cammalleri : Si vous devez retenir un moment de F1 dans toutes les courses que vous avez pu suivre, quel serait ce moment ? Et en 2016 ?
Thomas Sénécal : Je pense au Grand Prix d’Allemagne 1986 parce que c’est le tout premier que j’ai vu sur circuit, en vrai, avec le bruit des voitures qui fait trembler. J’étais avec mon frère dans le stadium et je m’en souviendrais toute ma vie. J’ai fais le Grand Prix de France aussi, plusieurs fois. Quand on est enfant et que l’on voit ces courses ‘en vrai’ ce sont des souvenirs très marquants. Très beau souvenir aussi de Prost en 1990 qui dépasse Capelli à la fin de la course, j’étais là pour ce moment !
Bien sur la mort de Senna en 1994 m’a profondément marqué et nous a tous marqué. C’était la star, le pilote flamboyant, et cela restera un moment où la F1 demeure à la une de l’actualité du monde entier. Un souvenir très triste mais où la F1 a eu un écho mondial. Pour moi c’était la mort d’une idole d’enfance.
Concernant 2016 je pense à deux moments : le dernier mètre du dernier Grand Prix à Abu Dhabi, avec Lewis Hamilton en tête qui menait la troupe, mais qui roulait à son rythme en bouchonnant Nico Rosberg. Il y avait un stress incroyable. Pour nous aussi cela changeait tout, car on a toujours un temps d’avance quand on prépare nos magazines : on était prêt à ce que Rosberg soit champion, et pour Hamilton aussi, mais cela aurait retourné la couverture en 20 secondes ! On a ce stress là mais c’était un moment génial à vivre. A ce moment là, nous sommes dans un tunnel avec un petit écran de retour, on fait la queue pour avoir accès au podium. Dès le drapeau à damier, on va pouvoir se mettre en place. Super souvenir donc. Autre moment fort de 2016, la victoire de Max Verstappen en Espagne. On se dit que c’est une histoire de fou sur ce week-end là. Il gagne pour son premier Grand Prix chez Red Bull et on a assisté à un moment historique qu’est sa première victoire en F1. J’étais avec Jos, le père de Max, à la fin de la course, où l’on échangé quelques mots et une interview avec tous les deux en compagnie d’Alain Prost et Laurie Delhostal, un grand moment !
Bruno Cammalleri : Comment préparez-vous l’émission « La Grille » que vous présentez ?
Thomas Sénécal : Tout d’abord je dois dire que « La Grille » est la conclusion d’un week-end. Si on fait un bon jeudi, qui est la journée des médias, c’est un bon départ où l’on aura de la bonne matière pour nourrir nos antennes jusqu’au dimanche soir. On prépare « La Grille » sur la base de tout ce qu’on voit et lit durant le week-end. Mais c’est surtout un travail d’équipe ! Ce qui est hyper important, c’est l’alchimie entre le site du Grand Prix et Paris où la fabrication se fait. Moi je suis devant la caméra, mais ce sont surtout les gens qui sont derrière qui sont importants, aussi bien celui qui filme, que ceux qui sont à l’oreillette, le réalisateur, les intervieweurs… à tout moment je sais que je peux passer le ballon à Laurent Dupin, Franck Montagny, Julien Fébreau, Jacques Villeneuve qui en feront quelque chose de propre.
On est très clair sur ce qu’on veut faire dans cette émission : c’est l’immersion. Donner aux téléspectateurs toutes les infos comme s’ils étaient pilotes. A partir de là, on a un fil rouge. Tout savoir sur ce qui s’est passé dans le week-end. Et par exemple, s’il se met à pleuvoir on va se mettre à tout casser pour faire un sujet sur la pluie, on est très agile. Ca se prépare donc en équipe, et avec les équipes de F1.
Mais sur la grille de départ, on ne prend pas tant que ça de rendez-vous : quand je pars, je sais qu’il y a un ou deux pilotes avec qui je sais que ça pourra se faire. Mais ce sont avant tout des rencontres, on avance, on est rarement à l’arrêt. Il faut qu’on avance, et forcément on ne peut pas attendre quelqu’un 10 minutes. De même pour cette personne qui ne peut pas nous attendre 10 minutes. On aime bien aussi pour notre public retrouver nos pilotes français. Il y a certains pilotes peu accessibles avant le départ comme Hamilton ou Raikkonen, mais les autres on arrive à les avoir, tous les patrons, les stars… je suis très bien épaulé par la caméra qui est dans la voie des stands, c’est bien plus qu’un filet : on se coordonne sans arrêt ! Parfois je laisse partir un pilote parce que j’ai un moyen de communiquer avec le reste de l’équipe Canal en appuyant sur un bouton : par exemple, Bottas sort et là on a Laurent Dupin qui l’attend et pourra lui parler. On s’aide mutuellement. Lui pareil, il pourra me dire ‘Ricciardo revient en grille’. Le meilleur moment de l’émission c’est quand on part sur la grille, la caméra démarre, et on ne se sait pas ce qu’on va avoir, on se fait bousculer parce qu’il y a une voiture qui passe, c’est parfois un peu brut aussi. Canal+ est désormais bien identifié, on est réactif mais on ne va pas non plus trop embêter les pilotes en leur posant 4 questions ou en restant trop longtemps, ce qui pourrait ralentir leur procédure d’avant course. Il y a un savoir être. Ils savent que c’est deux questions, un sourire, un encouragement. Les pilotes sont différents sur la grille, ils vont prendre énormément de risques durant le Grand Prix, ils jouent gros, donc ce n’est pas le moment où l’on peut faire des questions magazines. Ce n’est pas un moment de contradiction, c’est un moment où l’on essaie de sentir dans quel état d’esprit ils sont, on les voit, on les entend et on les encourage.
Bruno Cammalleri : Comment s’annonce la saison 2017 de Formule 1 sur les antennes du Groupe Canal + ? Et pouvez-vous nous dire, plus spécialement, un mot sur l’émission « On Board » ?
Thomas Sénécal : On continue de creuser le sillon qui est le notre depuis 4 ans : l’immersion, et emmener l’abonné au cœur de la F1. L’équipe est la même qu’en 2016 : on verra un peu plus souvent sur les Grand Prix Margot Laffite, qui viendra parfois faire « La Grille » pour me remplacer, parce que la saison est longue donc on tourne un tout petit peu. La plupart des membres de l’équipe font 16/18 GP sur les 20, car il ne faut pas penser qu’un Grand Prix se résume aux trois jours de roulage : un Grand Prix c’est une semaine à fond. Cela permet d’avoir un dispositif qui vit, qui est agile et vivant, ce qui est très important. Margot Laffite fera donc « La Grille » à 3 ou 4 reprises et dans ces cas là je la remplacerai sur « Formula One » depuis Paris, on pourra inverser nos rôles comme ça sur certaines courses. C’est un binôme avec Margot. Laurie Delhostal, qui a fait 4 ans avec nous, a désormais des fonctions de présentatrice à Paris dans la rédaction des sports de Canal+ , notamment dans « Samedi Sport ». On verra bien sur Laurent Dupin en intervieweur des pilotes, il a un sens du direct incroyable et une connaissance de la Formule 1 encyclopédique. On garde nos piliers et nos visages de l’antenne. Pour les consultants, on ne change pas une équipe qui gagne et ils seront tous là : Jacques Villeneuve avec sa parole libre, son sens de la phrase aux commentaires, son œil de lynx, Alain Prost bien sur, Franck Montagny, qui aura beaucoup de travail cette année avec les changements techniques, Jean Alesi et ses interviews. Nos consultants sont plus que jamais présents et passionnés de sport automobile : Alain Prost reprend du service chez Renault, Jacques Villeneuve construit un circuit au Canada, Jean Alesi suit son fils sur le GP3, Margot Laffite est pilote et Julien Fébreau fait du rallye ! Ca aussi c’est la signature de l’équipe.
Concernant « On Board », c’est l’émission d’immersion par excellence. C’est une émission atypique ! « On Board » continue en 2017 avec 100% de caméras embarquées et on ne veut surtout pas faire un résumé du Grand Prix. C’est avant tout une expérience où l’on recherche un vécu. On ne s’interdit pas un jour, si on a un duel génial et qu’on a la matière, de faire la course vue à travers deux voitures qui se battent, pourquoi pas ! Ou faire le Grand Prix complet dans une seule voiture, ce qu’on fait parfois en restant dans la même voiture plusieurs tours. Ou encore un évènement vu à travers la voiture d’un autre pilote (comme par exemple le crash de Raikkonen au Brésil 2016 vu à travers la voiture d’Ocon). C’est vraiment une expérience de pilote qui n’a pas vocation à être exhaustive sur les faits de course. Quand on regarde « On Board », le temps passe différemment, on est accompagné par des informations à l’écran, des graphiques. Mais on a un format de 30 minutes qui nous convient bien car on perdrait les gens sur 1h30.
Bruno Cammalleri : Comment utilisez-vous les réseaux sociaux dans votre communication ?
Thomas Sénécal : Le but est de faire de la F1 un feuilleton, car il y a des trous dans le calendrier. De grands évènements, et puis entre deux courses il ne se passe pas grand-chose parce que les voitures sont dans des containers. Sur les réseaux sociaux, on essaie d’animer les GP bien sur et de faire vivre l’intervalle entre deux courses. On s’appuie sur le service digital qui est de plus en plus associé à ce qu’on fait. J’essaie autant que possible de répondre aux gens avec de l’accès direct, Laurent Dupin et Julien Fébreau le font aussi, avec ce coté proximité qu’on aime bien. Mais comme la présentation et la rédaction en chef prennent beaucoup de temps, il y a des journées où je n’ai pas le temps d’aller sur Twitter. Bien sur le but est aussi de relayer nos contenus : on fabrique des choses pour la télévision mais on apprécie de pouvoir les partager ensuite sur les réseaux sociaux. L’application est quant à elle un vrai plus qu’on aime promouvoir.
Bruno Cammalleri : Qui va être champion du monde 2017 ?
Thomas Sénécal : Si j’écoute la raison je dirai Lewis Hamilton, mais comme ce n’est pas original je pense que la grosse côte ce serait Sebastian Vettel après les bons essais hivernaux de Ferrari. Ce serait une belle histoire parce que Ferrari a besoin de résultats et de titres.
Bruno Cammalleri : La Formule 1 n’est pas la seule compétition de sport automobile sur le Groupe Canal+ , il y a aussi la Formule E…
Thomas Sénécal : On essaie d’avoir la même approche sur la Formule E, même s’il n’y a pas les mêmes moyens sur tous les évènements. La Formule E est hyper importante pour nous. On va faire cette année plus particulièrement le e-Prix de Monaco et celui de Paris qui sera ‘le 21ème Grand Prix de l’année’. En tous cas on va essayer de l’aborder comme un 21ème Grand Prix de Formule 1 avec nos moyens F1. On est très curieux de ce championnat qui donne de belles images, c’est un spectacle très télégénique et il y a de belles audiences, l’année dernière la course de Paris avait été très suivie. Il y a beaucoup de français impliqués, Jean-Eric Vergne, Loïc Duval, Stéphane Sarrazin, Nicolas Prost, et puis la Formule E a dans son ADN les réseaux sociaux et travaille main dans la main avec le digital et les diffuseurs. Ce championnat est parti d’une feuille blanche, c’est un laboratoire d’un point de vue technologique, télévisuel, digital et sportif. La Formule E c’est frais et inventif ! Il y a eu l’année dernière un dénouement incroyable lors de la finale entre Buemi et Di Grassi à Londres. Cela contribue à la notoriété d’un championnat qui a commencé par un accident spectaculaire à Pékin entre Prost et Heidfeld et qui propose de belles courses.
A noter : Journée F1 sur Canal+ Sport le samedi 25 mars avec différents programmes F1 :
« Samedi sport » fera place à « Samedi F1 » : dès la fin des qualifications du Grand Prix d’Australie où l’on retrouvera bien sur Thomas Sénécal, Margot Laffite prendra le relais avec invités, consultants, journalistes, duplex, immersions. 100% F1 du matin jusqu’à 14h30. Rediffusion de la séance de qualifications / Une émission « On board » best of 2016, chapitrée et thématisée avec les départs, les dépassements, les insolites, les radios qui s’emballent, un chapitre spécial Verstappen et ses dépassements incroyables / Le preview de la saison réalisé par Laurent Dupin qui s’appelle « Nouveau départ » / Le documentaire « Grand Espoir » sur Esteban Ocon réalisé par Etienne Pidoux.
Crédits photos : Stéphane Grangier et Thierry Gromik
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