100 après 1924, Paris retrouvera la flamme olympique. Après une campagne marathon de près de trois ans, les concurrentes Budapest, Rome, Hambourg, Boston n’étant plus dans la course, et Los Angeles se réservant pour 2028, Paris décroche l’organisation des Jeux Olympiques 2024. Une victoire qui aura été longue à construire, après 3 échecs passés. Et des leçons qui ont été retenues. Il y aura finalement eu plus de volonté, plus de détermination et plus de préparation dans le dossier parisien par rapport aux villes rivales. Il est apparu également davantage de consensus national en France autour de ce projet avec tous les atouts de Paris savamment orchestrés et mis en valeur, comme on peut le voir dans cette vidéo très réussie « 24 mots pour Paris 2024 » où l’on retrouve Paris l’élégante, « la green », la cosmopolite, la créative. Mais aussi la lumière, l’histoire, la culture, la gastronomie.
L’accent a été mis sur une candidature responsable et plus respectueuse en terme de développement durable, sur la base de l’Agenda olympique 2020, afin de réduire les coûts des JO et ainsi mettre fin à la course au gigantisme du passé comme ce fut le cas pour Pékin 2008 ou Sotchi 2014. Pour rappel, l’Agenda olympique 2020 est la feuille de route stratégique pour l’avenir du Mouvement olympique avec un total de 40 recommandations marquant l’attachement du CIO à « la sauvegarde du caractère unique des Jeux et au renforcement du sport dans la société ». Un des points clés concernant le processus de candidature concerne « la nouvelle philosophie qui consiste à inviter les villes candidates potentielles à présenter un projet conforme aux besoins de planification à long terme sur les plans économique, social et environnemental ».
Et pour cause… Paris 2024 devra faire rimer JO exceptionnels et budget rationnel, ce qui pourra certainement redynamiser les candidatures post 2028. Si 95% des installations existent déjà, il fallait penser à l’héritage et à ce qui restera après les compétitions à l’image de l’accélération du Grand Paris Express qui devient partie prenante de la candidature olympique, ou la construction de logements sociaux. La pérennité des infrastructures comme maître mot, sans oublier l’accessibilité par les transports en commun avec un village olympique à moins de 30 minutes de toutes les installations pour, on l’espère, les « Jeux les plus verts de l’histoire » et « réduire de 55 % les émissions de carbone générées par rapport aux Jeux de Londres 2012 et Rio 2016 ». De l’utilité environnementale à l’utilité sociale, avec l’amélioration de l’offre de transport et de logement, voilà des facteurs d’attractivité qui devraient permettre une meilleure qualité de vie des habitants sur le long terme.
L’empreinte écologique n’est pas la seule préoccupation du dossier. Il convient de prendre en compte l’aspect financier : une attente de l’Agenda 2020 et une inquiétude citoyenne légitime sur une possible explosion des budgets, notamment par rapport aux infrastructures ou aux exigences qui risquent de croître au fil des années en matière de sécurité. Le « contrexemple d’Athènes 2004 » reste encore dans les esprits où la facture avait triplé, et qui explique en partie la crise de la Grèce. Idem pour Rio 2016 et ses infrastructures laissées à l’abandon. Le CIO est donc désormais plus attentif aux budgets. Celui de Paris s’élève selon le Comité d’Organisation à 6.6 milliards d’euros.
En terme purement économique et de bénéfices attendus, outre les répercussions immatérielles (valeurs de l’olympisme, prestige et ampleur de l’événement, positionnement du projet autour du développement durable), il est difficile d’évaluer précisément les retombées matérielles eu égard aux multiples facteurs à prendre en compte.
Néanmoins, le Centre de Droit et d’Economie du Sport (CDES) s’est livré à cet exercice difficile en menant une étude d’impact économique pour le GIP Paris 2024. L’étude évalue les retombées des JO de Paris 2024 entre 5.3 et 10.7 milliards d’euros. Trois principaux secteurs devraient bénéficier de ces retombées selon le CDES : l’organisation (c’est à dire l’ensemble des partenaires contribuant à l’organisation des JO) aurait entre 49% et 54% des retombées, soit entre 2.9 et 5.4 milliards de retombées positives. Viennent ensuite le tourisme (entre 1.4 et 3.5 milliards) et la construction (entre 1 et 1.8 milliards). L’étude souligne « que cet impact économique est principalement constitué par l’impact des dépenses d’organisation du budget du Comité d’Organisation des Jeux Olympiques. L’organisation des Jeux est très largement financée par des ressources privées (77%) avec un apport significatif de financements externes au territoire de l’Ile-de-France. La contribution du CIO au budget du comité d’organisation local constitue à elle seule plus de la moitié de l’injection nette (54%). » En outre, l’étude du CDES prévoir un surcroît d’activité pour ces JO qui pourraient générer entre 119 000 et 247 000 emplois.
Mais si Athènes ou Rio sont pointées du doigt, l’exemple inverse de Barcelone inspire : la ville a été transformée après les Jeux de 1992 avec comme philosophie de se servir des JO pour faire évoluer la ville de façon globale. Et justement, cette pensée globale peut être matérialisée par le pluralisme des parties prenantes qui ont fait cette victoire : une gouvernance élargie entre un monde sportif en première ligne, les associations, et des élus en appui à la candidature. De Tony Estanguet à Laura Flessel, en passant par Guy Drut, Tony Parker, ou Teddy Riner, les sportifs français, et pas des moindre, auront su incarner une candidature qui n’est ni de gauche ni de droite, s’élevant bien au-delà des clivages politiques habituels. Une co-construction qui a su mobiliser avec l’idée de rassembler l’ensemble de la société : un élan positif pour la cohésion sociale et nationale.
En dépit de doutes légitimes sur les aspects budgétaires et de financement, il existe d’ailleurs un fort engouement populaire autour de Paris 2024 en tant qu’événement sportif majeur avec l’envie d’accueillir le monde en 2024. Selon un sondage CSA/Direct Matin réalisé en 2015, 73 % des Français se disaient favorables à une organisation des Jeux Olympiques d’été à Paris. On notera un engouement encore plus fort chez les jeunes avec 88% de soutien chez les 18-24 ans. Et à l’heure de la victoire de la candidature parisienne, une étude d’opinion Ifop/Jdd pour Mktg (réalisée en septembre 2017) confirme cet enthousiasme : 83% des personnes sondées voient cette attribution comme « une bonne nouvelle » ; ils sont 81% à penser que ces JO de Paris 2024 auront un effet « plutôt positif » sur le rayonnement de la France à l’international.
Il fallait d’abord parvenir à mobiliser le pays et recevoir un soutien populaire avant de convaincre le CIO. Mission réussie pour Paris 2024 qui aura misé sur une méthode et un lobbying efficaces, avec un discours percutant. Un événement d’ampleur comme l’Euro 2016 aura, somme toute, était un test grandeur nature réussi pour montrer la capacité de la France en matière d’accueil des grands événements sportifs, avec en toile de fond le plan de construction de stades comme ce fut le cas à Bordeaux, Lyon ou Nice. Il fallait aussi une mise en avant soignée des atouts de la France pour accueillir l’événement universel par excellence, tous les pays et (presque) tous les sports étant représentés. Les Jeux Olympiques restent une formidable vitrine en terme d’attractivité et de rayonnement international.
La lumière sera mise sur certains sites d’exception à l’image du Grand Palais pour l’escrime et le taekwondo, du Trocadéro pour le triathlon, ou du Champ de Mars qui accueillera les épreuves de beach volley. Si un surcroît touristique sera bien sur attendu en 2024, Paris l’élégante pourrait bénéficier d’un tourisme post-olympique lié à cette exposition. Mais ces Jeux seront ceux de la France, et pas uniquement ceux de Paris : des épreuves de football se dérouleront à Lille, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Saint Etienne, Lyon, Nice, et Marseille qui accueillera également la marina olympique pour les compétitions de voile. Paris 2024 veut faire rayonner la France, montrant un pays plus que jamais ouvert sur le monde, soulignant sa dimension européenne et d’ouverture, ce qui fait écho aux valeurs positives du sport.
Le clip « La flamme Paris 2024 » (présenté le 13 septembre 2017 devant le CIO à Lima) invite à « Venir partager la flamme » : les valeurs positives et émotions véhiculées par le sport y sont suggérées
Et si Paris 2024 se veut comme un projet sociétal, c’est aussi en faisant écho à ces valeurs positives véhiculées par le sport à travers plusieurs parties prenantes comme les associations d’insertion par le sport, les associations de lutte contre les discriminations, le développement de l’accessibilité des infrastructures pour les personnes handicapées ou la volonté d’améliorer la santé par le sport via l’incitation à l’activité physique : un afflux de pratiquants est généralement observé après l’accueil d’une grande compétition sur le territoire national, ce fut le cas en athlétisme après les Mondiaux de 2003, en rugby à l’occasion de la Coupe du Monde 2007 ou encore après l’Euro 2016. Le but, sur le long terme, serait « d’ancrer le sport comme un élément fondamental dans le quotidien des Français pour faire passer la France d’une nation de sportifs à une nation sportive ».
Outre la santé, le sport peut être également un outil d’éducation, en tant que vecteur des valeurs éducatives et citoyennes : dans le cadre de cette candidature pour 2024, le ministère de l’Éducation nationale a organisé l’année scolaire 2016/2017 en tant qu’Année de l’Olympisme dans les écoles et universités françaises dans le but « de promouvoir la pratique sportive chez les jeunes et mobiliser la communauté éducative autour des valeurs citoyennes et sportives ». Inciter au sport, donc, et aux principes de l’olympisme caractérisé par des valeurs fondamentales : un état d’esprit entre excellence, amitié et respect. Différentes actions qui lient la pratique sportive à une ambition éducative autour de l’Olympisme et de ses valeurs ont été menées, sans oublier les opérations d’envergure qui auront balisé cette année comme la semaine olympique et paralympique.