Contrairement au foot, les programmes de débriefings F1 et plus globalement sports mécaniques sont rares. Le journaliste Laurent-Frédéric Bollée vient de lancer un podcast pour les passionnés de sport automobile : « L’After Lap ». Passé par France 2, Motors TV, Eurosport et RMC, « LFB » le passionné revient pour sportsmarketing.fr sur son parcours dans les médias, sur sa passion automobile et nous en dit plus sur l’After Lap.
Bruno Cammalleri : à l’origine de votre parcours, pouvez-vous nous expliquer en quoi le nom Bollée a une résonance toute particulière dans l’univers automobile ?
Laurent-Frédéric Bollée : c’est gentil de le mentionner d’entrée ! (rires). Je suis l’arrière-arrière-petit-neveu d’Amédée Bollée, un fondeur du Mans qui est l’un des pionniers de l’automobile, cité dans tous les livres qui traitent de l’histoire de ce moyen de locomotion. Il a reçu la légion d’honneur en 1903, et le journal «L’illustration » avait à l’époque légendé sa photo comme suit : « Amédée Bollée, le père de l’automobile ». Quand vous allez au musée Mercedes de Stuttgart, vous avez l’impression que la première voiture de la marque, en 1886, est la première voiture du monde ! Mais non, Amédée Bollée construisait des voitures dès 1873 !
Vers mes 14 ans, je me suis dit que ce serait bien si je devenais un jour journaliste sportif…
Mon parcours est forcément lié à cet héritage car j’ai su dès mon plus jeune âge que, dans notre famille, il y avait cette dimension automobile très forte. J’ai toujours eu cette sensibilité en moi. A l’âge de 12 ans, mon père m’a emmené voir le Grand Prix de Belgique de Formule 1, à Zolder. C’était l’époque de Gilles Villeneuve, de Jean-Pierre Jabouille, de Renault et Ferrari au sommet, sans oublier Lotus ou Williams bien sûr, donc là, j’ai été définitivement mordu. A ce moment là, le sport automobile est devenu ma passion que je n’ai jamais abandonnée. Vers mes 14 ans, je me suis dit que ce serait bien si je devenais un jour journaliste sportif…
Bruno Cammalleri : quelle(s) trajectoire(s) avez-vous emprunté depuis cet enracinement familial jusqu’au sport automobile dans les médias ?
Laurent-Frédéric Bollée : après le Baccalauréat, j’ai fait une licence d’Administration économique et sociale, puis le CELSA en école de journalisme. J’ai été le lauréat de la bourse Jean d’Arcy, organisée par France Télévisions, en 1990. Cette bourse m’a donné l’opportunité de faire un stage à France 2 où j’ai travaillé à Télématin, puis au service Société. Le service des Sports a eu besoin de renfort pour les Jeux Olympiques de Barcelone en 1992. J’y ai été embauché avec Alexandre Boyon, Yann Lavoix et Thierry Clopeau, avec à la rentrée 1992, la création d’une cellule sports pour les JT de 13h et 20h. C’est à cette période que j’intègre aussi « Stade 2 » pour couvrir la Formule 1 avec Lionel Chamoulaud.
Je suivais la Formule 1 depuis le Grand Prix d’Afrique du Sud 1977 très précisément : un Grand Prix dramatique avec un commissaire de piste qui a tué un pilote anglais en faisant tomber son extincteur sur ce pilote alors qu’il traversait la piste. Ce drame avait fait la une des journaux et m’avait fait prendre conscience que la F1 était un « sport de dingue »…
Je faisais donc des interviews F1 et les résumés des Grand Prix pour « Stade 2 », mais un peu plus tard en 1994 et 1995, France 2 a obtenu le droit d’aller sur les Grands Prix auprès de Bernie Ecclestone. Ces deux années-là, j’ai pu vraiment couvrir la F1 sur le terrain, et j’en garde évidemment un excellent souvenir.
Bruno Cammalleri : quelle suite donnez-vous après à votre carrière pour pouvoir réellement exercer le journalisme dans votre univers, celui du sport automobile ?
Laurent-Frédéric Bollée : en 1999, soit en pleine période de lancement des chaînes thématiques tous azimuts, je retrouve Jean-Luc Roy, un ancien de la cinq, qui dirigeait la boîte de production « Moteur Productions ». Il décide alors de créer sa chaîne: Motors TV. Il me propose de le rejoindre pour devenir rédacteur en chef et commentateur. Il est vrai qu’à ce moment là j’avais très envie de me retrouver aux commentaires de courses automobiles, une casquette que je ne pouvais pas avoir sur France TV.
Entre mon départ de France Télévisions et le lancement effectif de Motors TV en 2000 j’ai travaillé pour Moteur Productions, ce qui m’a permis de connaître le sport automobile français de l’intérieur. En 1999, je couvre par exemple les épreuves du championnat de France de Formule 3, l’année du titre de Sébastien Bourdais où je fais sa connaissance et où nous devenons amis (ndlr : Laurent-Frédéric Bollée est l’auteur en 2006 de l’ouvrage « Sébastien Bourdais : Exil gagnant »). Je passe un an et demi dans les disciplines comme la Formule 3, la Formule Renault et le Super Tourisme où je couvre tous les meetings français classiques et incontournables : Paul Ricard, Nogaro pour les Coupes de Pâques, Le Mans en avril, Pau en mai, Albi pour le premier week-end de septembre, Lédenon en octobre… C’était vraiment de bons moments !
Le sport automobile, au-delà de la F1, dispose de très nombreux championnats et compétitions dans le monde
Motors TV voit le jour en 2000 et nous avions une idée éditoriale qui tournait autour d’une chaîne d’information automobile. La réalité économique et les coûts importants de production ont fait que nous sommes très vite passés en mode « sport ». Mis à part la F1, on avait tout : l’Indy Car, le DTM, la Nascar Busch puis Nationwide avec tous les pilotes stars américains qui disputaient les courses, c’était en live le samedi soir sur Motors TV. Le sport automobile, au-delà de la F1, dispose de très nombreux championnats et compétitions dans le monde : monoplaces, GT, Tourisme, aux Etats-Unis, en Allemagne, en Australie… On est devenu LA chaîne du sport auto avec plus de 120 disciplines diffusées. On a même eu le WRC en différé, à partir de 2005, et on récupère le Mans en 2006. Nous étions les premiers à proposer une diffusion intégrale des 24 Heures du Mans. En ce qui me concerne j’étais le commentateur principal de la chaîne, mais de par quelques contrats de « collaboration » éditoriale, je commentais aussi pour Eurosport (j’ai commenté les 24H du Mans pour la chaîne à trois reprises au début des années 2000) et pour Kiosque, le service de Canal+ qui proposait la F1 sur différents canaux… Mais j’ai arrêté ces prestations en 2005 pour me concentrer sur Motors TV.
Bruno Cammalleri : cela étant, l’aventure Motors TV, avec une autre ramification, se poursuit aussi sur RMC en 2006…
Laurent-Frédéric Bollée : oui, RMC avait l’émission « Larqué Foot » qui se terminait à midi et l’émission « Motors » a été créee sur cette tranche du dimanche de midi à 14h. Jean-Luc Roy l’a d’abord présentée seul, puis je suis arrivé en renfort et en alternance avec lui. De 2006 à 2018, je présente donc Motors et cela reste évidemment un temps fort de ma « carrière ». Puis en 2018, tout a changé de nouveau. RMC avait décidé de stopper Motors (ce qui sera effectif à l’été 2019) et Motors TV a été racheté par un groupe américain, Motosport Network, qui a d’abord fermé Motors TV (devenue Motorsport TV) comme chaîne de télé puis qui a abandonné la version française de son site vidéo.
Bruno Cammalleri : pourquoi lancez-vous le podcast « L’After Lap » et pourquoi choisir ce format ?
Laurent-Frédéric Bollée : le nom After Lap vient d’un petit jeu de mots finalement : après le « final lap » de toute course automobile, s’il y avait l’ « afterlap » ? Ce podcast est un projet personnel qui est forcément dans la continuité de l’émission de radio sur RMC et de l’arrêt de celle-ci. En tous cas il y a beaucoup de points communs entre Motors et l’After Lap. On fait des interviews, de visu ou par téléphone, et on parle Formule 1 et des grandes disciplines internationales, sans oublier de donner la parole aux pilotes et acteurs de ce métier. Il y avait déjà sur RMC cet esprit décontracté à l’antenne et complice. Mais ça va plus loin, car le format podcast sous-entend qu’il n’y a évidemment pas de contrainte commerciale ou des impératifs de coupures publicitaires. Il y a aussi la possibilité d’avoir une discussion un peu plus intime, en profondeur, où l’on se confie un peu plus. C’est inhérent à la philosophie du podcast. L’After Lap, c’est un peu ma propre émission de radio ! Sur la forme, le podcast c’est moderne, c’est dans l’air du temps, on peut l’écouter sur un grand nombre de supports, chez soi, au bureau, en voiture, en transports en commun… J’y exprime toute ma passion pour le sport automobile.
L’idée est de faire un épisode par semaine, ce qui ferait donc 52 numéros dans l’année, hors actu éventuellement « sensationnelle » bien sûr. L’actualité nous est offerte sur un plateau avec les Grands Prix de Formule 1, dont le nombre ne cesse d’ailleurs d’augmenter. Entre les retours sur les Grands Prix et les interviews de pilotes, le programme s’annonce riche. C’est d’ailleurs ce que je viens de faire dans le dernier épisode de l’After Lap avec Alexandre Prémat après sa victoire historique aux 1000km de Bathurst en Australie. J’ai commenté Bathurst – honnêtement l’un des circuits les plus incroyables du monde – pendant 15 ans, et cette performance est pour moi presque aussi dingue que celle de Simon Pagenaud qui gagne à Indianapolis. Plus globalement, j’envisage trois niveaux de contenus : premièrement, le sport pur en mode débriefing et commentaires à chaud où je dis ce que je pense, sans langue de bois. La F1 en est le meilleur exemple chaque lendemain de Grand Prix. Secondo, les entretiens sport à chaud comme celui avec Alexandre Prémat. Enfin, j’aimerais également faire des grands entretiens de personnalités, peut-être un peu extérieures au sport pur et dur, ou avec de grands « anciens ». Je promets de toute façon de toujours offrir un contenu intéressant !
Bruno Cammalleri : qui vous accompagnera dans l’After Lap ?
Laurent-Frédéric Bollée : Jean-Pierre Jabouille interviendra régulièrement au micro de l’After Lap. Nous avons commenté ensemble les 24 heures du Mans 2006 sur Motors TV et je lui avais même demandé un autographe quand j’avais 12 ans lorsque je me suis rendu, comme je vous l’ai déjà dit, au Grand Prix de Belgique en 1979 alors qu’il était pilote Renault en F1. Quand ce podcast a vraiment vu le jour de manière concrète cet été, j’ai forcément pensé à Jean-Pierre Jabouille : il a un nom, une autorité et il représente beaucoup pour le sport automobile. Je suis donc très heureux qu’il puisse m’accompagner dans ce projet. Il joue le jeu et c’est super. J’ai également reçu Denis Brogniart dans l’épisode 9, qui date du 7 octobre 2019, et il n’a pas hésité à nous dire qui était son pilote préféré en Formule 1 (ndlr : on ne vous dira pas qui c’est, on vous suggère d’aller écouter directement le podcast en question !). Denis et moi avons fait notre service militaire ensemble et nous ne nous sommes jamais perdus de vue, il a accepté tout de suite de jouer le jeu. Denis est un animateur vedette en France et il a une forte légitimité F1 avec Auto Moto et l’animation de la grille de départ sur les GP que retransmet TF1.
Bruno Cammalleri : avez-vous accompli votre rêve dans ce métier ?
Laurent-Frédéric Bollée : quand j’étais étudiant en école de journalisme, je disais à tout le monde que je rêvais d’interviewer Ayrton Senna. Et je l’ai interviewé en décembre 1993 lorsqu’il est venu à Paris pour la première édition du Masters de karting à Bercy. C’est la personne la plus charismatique que j’ai jamais vue. A ce moment-là, j’avais donc fait ce que j’avais toujours voulu faire : j’’avais interviewé Senna ! Mais bon, je n’étais qu’au début de ma carrière de journaliste, je n’allais quand même pas m’arrêter là ! (rires)…
Ces pilotes sont sympas, déterminés, ils ont un mental particulier, ils en veulent, ils ont un talent fou, ils ont consacré leur vie à la course et ils prennent des risques
Et j’ai effectivement depuis accompli plein de belles choses, à France 2 ou à Motors TV, comme aller plusieurs fois en Australie pour commenter le fabuleux championnat Supercars et me faire découvrir ce pays si fascinant. Le commentaire des 24 heures du Mans sur Eurosport, cela aussi ça ne se refusait pas ! Je suis ami avec un grand nombre de pilotes pour qui j’éprouve au minimum un grand respect. Ces pilotes sont sympas, déterminés, ils ont un mental particulier, ils en veulent, ils ont un talent fou, ils ont consacré leur vie à la course et ils prennent des risques. Je les admire plus que tout.