Soucieuse de son avenir, la F1 doit se repenser pour survivre. Résultats trop prévisibles, hiérarchie cadenassée, manque de dépassements, coûts trop importants, problématiques écologiques, la Formule 1, qui voit arriver la Formula E dans ses rétroviseurs, doit séduire de nouveaux publics dont les jeunes qui seront les fans de demain. En marge du Grand Prix des USA à Austin, la FIA et la FOM ont donc annoncé jeudi 31 octobre 2019 les règlements sportifs, techniques et financiers pour la période 2021-2025, fruits d’un subtil compromis issu de longues et périlleuses négociations conduites pendant plus de deux ans. Le pinacle du sport automobile a affirmé sa volonté de resserrer les performances entre les équipes, de diminuer les coûts et d’inscrire son sport dans un esprit plus green compatible. Sportsmarketing.fr revient pour vous sur ces annonces.
Si la F1 est connue pour ses coûts et dépenses mirobolants, 2021 verra un plafonnement des dépenses à 175 millions de dollars pour une saison. Une avancée notable sauf que ce chiffre n’englobe pas le salaire des pilotes et des trois personnes les mieux payées d’un team ainsi que les bonus et les dépenses marketing. La FIA et la FOM annoncent également un seuil de 25 Grands Prix par championnat, contre 21 en 2019 et 22 en 2020. Plus de courses et donc plus de revenus, forcément. Certains y voient une chance quand d’autres y voient une menace pour l’intérêt de la F1 avec une banalisation d’un sport qui avait autrefois l’intelligence de cultiver sa rareté pour mieux nous tenir en haleine lors de chaque épisode dominical. Afin de contrebalancer cette augmentation des Grands Prix, que les membres des teams risquent de ne pas apprécier (oui, mais on a dit compromis…) la journée du jeudi sera supprimée. Ainsi rendez-vous le vendredi matin pour le media day, et le vendredi après-midi pour les essais libres 1.
Pour 2021, les décideurs de la Formule 1 veulent favoriser le close racing. Ce qui passe forcément par une augmentation du nombre de dépassements. Sauf que la question ne date pas d’aujourd’hui, ni d’hier, mais d’avant-hier : on se souvient bien sur de l’arrivée fracassante du DRS en Formule 1. Sauf que pour beaucoup d’observateurs, cet artifice aérodynamique aboutit la plupart du temps sur des dépassements eux aussi artificiels, le pilote dépassé ne pouvant pas se défendre, en particulier en pleine ligne droite. Ces dernières années les évolutions techniques font que, bien souvent, les voitures ne parviennent pas à se suivre : l’air sale dégagé par une monoplace provoque une surchauffe et une usure prématurée de la voiture suiveuse. On l’a souvent entendu, les pilotes doivent « taper dans la gomme » pour revenir sur une autre voiture, sauf qu’une fois derrière l’usure se fait ressentir. Les Mercedes, pourtant si dominatrices depuis 2014, sont elles aussi touchées par ce problème. Un des cas les plus criants reste celui de Lewis Hamilton au Grand Prix de Hongrie 2019 : le pilote anglais était second, blotti derrière Max Verstappen et n’arrivait pas à le dépasser. Mercedes a alors tenté un coup de poker stratégique (génial) : faire rentrer Hamilton pour un nouveau pit-stop, lui donnant des pneus frais et lui permettant de revenir sur Verstappen puis de le doubler. La Formule 1 de 2019 est donc un sport où, pour dépasser un pilote se trouvant à une seconde, il faut repasser par les stands et donc perdre 15 à 25 secondes, pour ensuite revenir et le doubler. Incroyable. Comment expliquer à un non-initié une telle situation ?
Afin de rendre la F1 plus intelligible et dynamiser le spectacle sur la piste, exit les ailerons trop complexes à partir de 2021. L’aérodynamique des voiture sera simplifiée afin d’améliorer le combat lors des courses. En effet, quand une F1 en suit une autre, sa perte aérodynamique est estimée à 50% de ses capacités, à cause de l’air sale dégagé par la voiture de devant. Un chiffre que la F1 espère ramener à 10% en 2021. Le look va donc changer et être plus futuriste mais les F1 seront surtout 25 kilos plus lourdes, soit 3 secondes au tour plus lentes. Ce qui inquiète certains pilotes. Mais rappelez-vous plus haut, on a dit compromis…
Place maintenant à l’avis de quelques acteurs et observateurs de la F1 directement concernés par ces nouveaux règlements :
Chase Carey (Formula One Group) : « Nous voulons respecter l’ADN de la F1 mais aussi lui permettre de pouvoir s’adapter au monde moderne. Nous voulons offrir aux fans des courses plus spectaculaires, roues contre roues.»
Alain Prost (Renault) : « Pour les voitures qui se suivent, les turbulences, ce qu’on appelle « l’air sale », cela peut être un énorme pas en avant. Ensuite, il y a plein de choses qu’on ne peut jamais maîtriser dans la course automobile tellement les gens sont ingénieux et les voitures vont progresser à nouveau après. Il y a deux éléments très positifs, celui-là et le plafonnement des coûts qu’il faut vraiment considérer comme un début. C’est la tendance vers laquelle il faut aller en dehors de la redistribution des droits commerciaux. Après, il y a des choses qu’on ne peut pas trop changer comme le poids des voitures. »
Pierre Gasly (Toro Rosso) : « Se battre pour une septième place et devoir s’en contenter, forcément il y a une part de déception. En tant que pilote, vous voulez vous battre pour des podiums ou des victoires, j’espère que le nouveau règlement permettra de réduire une partie des écarts afin qu’on puisse viser plus haut. »
Charles Leclerc (Ferrari) : « En tant que pilote, on aime avoir des voitures très rapides. J’espère qu’on ne perdra pas trop de vitesse. »
Romain Grosjean (Haas) : « La piste sera la vraie réponse, mais ça ressemble à des voitures cools ! »
Cyril Abiteboul (Renault) : « Ces mesures représentent des opportunités importantes pour une équipe comme la nôtre, augmentant ainsi nos chances de réduire l’écart sur l’avant du peloton et de jouer la victoire et les titres dans des délais raisonnables. Elles confirment également la vision du nouveau propriétaire de la Formule 1, qui souhaite un sport plus équitable, plus divertissant et durable, sans trahir l’ADN qui nous fait aimer cette discipline complexe à laquelle Renault est fidèle depuis 42 ans. »
Romain Bernard (Auto Hebdo) : « Faire rouler 20 voitures en peloton, dans un delta d’une seconde au tour, doit bien être possible »
Franck Montagny (Canal+) : « Je suis ravi des changements, un aileron avant très simplifié, avec plus de compréhension, des barge boards qui seront supprimés et éliminés, c’était des zones complexes à comprendre et difficiles à gérer. L’aileron arrière sera également simplifié. Il y aura du grip mécanique et aérodynamique grâce au fond plat et on aura un effet de sol assez important, la voiture sera aspirée par le sol, ce qui lui donnera du grip et ce qui permettra surtout aux pilotes de pouvoir se suivre et potentiellement de pouvoir s’attaquer. Ca c’est pour la théorie, on espère que cela sera mis en pratique. »