Avec ses 48 golfs dans l’hexagone et plusieurs innovations lancées en 2018, l’année de la Ryder Cup en France, Bluegreen veut créer une nouvelle dynamique du golf dans notre pays. Comment s’y prend Bluegreen pour attirer de nouveaux golfeurs ? Réponse avec son directeur marketing Antoine Nizan.
Bruno Cammalleri : après presque 10 années passées chez Reebok, pourquoi avoir rejoint l’univers du golf et Bluegreen en 2018 ?
Antoine Nizan : j’ai effectivement travaillé pour Reebok pendant près de 10 ans, d’abord en France pendant 5 ans puis aux Etats-Unis à Boston. Puis, est apparue une certaine envie de revenir en Europe qui s’est conjuguée avec une opportunité : un cabinet de recrutement recherchait un profil pour un poste de directeur marketing, je cite, « dans le milieu du sport et des loisirs. » J’ai complètement adhéré au projet !
Etre la locomotive du nouveau souffle du golf en France.
Je ne me définis pas comme golfeur même si je sais taper dans une balle car j’avais joué quelques fois avant de rejoindre les équipes de Bluegreen. Je n’étais pas spécialement passionné par le golf, je suis un passionné de sport en général, curieux de toutes les activités sportives et de loisirs. Ce qui m’a vraiment et définitivement donné l’envie d’y aller, c’est le projet, à savoir être la locomotive du nouveau souffle du golf en France.
Bruno Cammalleri : la démocratisation de l’accès au golf, c’est votre challenge principal ?
Antoine Nizan : tout d’abord, je tiens à rappeler que Bluegreen fait du golf depuis 25 ans. Le coeur de notre métier reste l’entretien de parcours, l’accueil de golfeurs… Et ça, nous le faisons très bien. Par contre, on fait partie d’une industrie depuis 25 ans en suivant ses évolutions, ses booms et ses stagnations. La phase dans laquelle nous sommes aujourd’hui s’apparente davantage à de la stagnation. C’est le constat que nous avons fait. Nous avons la conviction que notre rôle est d’aller chercher des golfeurs.
On s’attaque tous les jours à ce genre de clichés grâce à nos initiatives.
Il y a 800 000 golfeurs en France, soit 1% de la population. Notre vision n’est pas de se lamenter et de se dire que ce n’est pas assez. On préfère se dire qu’il y a 99% de potentiel. Alors comment aller chercher ces 99% ? En s’adaptant à eux ! Il faut aller chercher ces personnes qui n’ont jamais tapé dans une balle et qui parfois se disent « jamais je ne taperai dans une balle de golf ». Et cela pour tout un tas de raison, bonnes comme mauvaises. On reproche au golf de ne pas être adapté car il prend trop de temps. Il y a aussi certains clichés : on entend dire que le golf est limité et réservé aux personnes aisées, voire même que c’est un sport de vieux. On s’attaque tous les jours à ce genre de clichés grâce à nos initiatives.
Bruno Cammalleri : la communication, avec une nouvelle identité de marque lancée en 2018 autour de la signature « Every day is a bluegreen day », constitue-t-elle un levier important pour casser les codes ?
Antoine Nizan : tout à fait ! En 2018, nous avons lancé concomitamment une nouvelle identité de marque avec un nouveau projet. Nous avons changé le fond et la forme en même temps. Cette nouvelle identité de marque reflète ce qui se trouve à l’intérieur de la maison, c’est à dire tous ces nouveaux projets que l’on a lancé. On s’est attaché à avoir un logo, une identité de marque et une iconographie hyper modernes. Les mots que l’on choisit, les leviers de médias et de communication, le fait d’être sur Facebook et d’être fort sur le digital dans un sport dit de vieux, c’est paradoxal, non ? On fait cela pour s’attaquer aux 99% de personnes qui ne golfent pas aujourd’hui.
Bruno Cammalleri : comment combattre les freins qui entourent la pratique du golf et notamment son aspect chronophage ?
Antoine Nizan : au coeur de cette nouvelle stratégie, se trouve l’idée suivante : nous allons nous adapter aux nouveaux modes de vie et de consommation de la population. Le temps est souvent cité dans les freins. Aujourd’hui on n’a plus 2, 3, 4 ou 5 heures à dédier à une activité. Nous avons donc réfléchit à des actions qui correspondent à ces besoins nouveaux et qui peuvent se consommer en une heure ou deux. J’ai en tête deux exemples : une innovation que l’on a appelé « Pay as you play » qui permet de jouer et de payer au trou. Il suffit de télécharger l’application, de créer son compte et grâce à la géolocalisation on pourra faire 3, 4 ou 5 trous, ce qui prendra à peu près une heure. Vous avez donc pu jouer au golf, dans un temps court, comme vous serez aller courir, jouer au squash ou déjeuner avec des collègues.
Autre action, notre practice connecté « Perfect Line » qui vise à rendre ludique la seule action séculaire du golf se consommant rapidement, à savoir le practice. En effet, le practice existe depuis toujours et il reste moins chronophage. Par contre, ce n’est pas très ludique. Alors notre idée a été de le rendre fun, en pouvant jouer potentiellement à plusieurs. Nous proposons cette activité connectée en partenariat avec la technologie Toptracer.
Bruno Cammalleri : quels sont les besoins et attentes de vos clients ?
Antoine Nizan : les consommateurs souhaitent quelque chose qui soit peu demandant en temps, qui soit ludique et social pour pouvoir se retrouver en groupe et partager de bons moments. Ils veulent aussi une expérience digitale. Ainsi, quand on dit «Every day is a bluegreen day » ce n’est pas juste cinq mots en anglais qui sonnent bien. Chaque jour de l’année est censé être un potentiel pour venir chez Bluegreen. On veut faire de nos golfs des lieux de vie et pas seulement des lieux de pratique. On souhaite que tout un chacun, du plus néophyte au meilleur golfeur, soit le bienvenue chez Bluegreen, soit pour y faire un parcours, soit venir s’amuser ou découvrir. Ou même faire découvrir à son entourage. Dans la plupart des golfs de France, les restaurants ne sont ouverts que le midi. Ouvrir en afterwork et pouvoir proposer des planches de charcuterie et un cocktail sur une plage horaire de 18 à 23 heures c’est innovant dans le golf et cela répond aux attentes des consommateurs actuels. Par ailleurs, qui dit golfeur débutant ne veut pas dire l’antithèse du golf de haut niveau. On veut être sur l’ensemble du spectre des golfeurs. Nous sommes la seule chaîne commerciale à organiser une étape du Challenge Tour européen (la deuxième division européenne). Nous l’organisons en Bretagne, à Pléneuf-Val-André.
Bruno Cammalleri : même si vous visez toutes les générations, avez-vous des segments prioritaires ?
Antoine Nizan : on a un segment fort qui est celui des joueurs de golf. Il y a 800 000 pratiquants en France, la moitié de licenciés, et la moyenne d’âge est de 52 ans. Notre pyramide des âges s’échelonne plutôt entre 50 et 70 ans, parce que c’est à cette période de la vie que l’on a le plus de temps pour jouer. Toutes les innovations mises en place ont été pensées pour le golfeur comme pour le non golfeur. On souhaite apporter une plus-value au golfeur traditionnel qui joue depuis longtemps en lui permettant de partager et faire découvrir sa passion. Notre deuxième segment, c’est le non golfeur. Ou plutôt, le golfeur qui s’ignore. Je pense que toute personne qui ne golfe pas est un golfeur qui s’ignore. Si on le fait vibrer par cette sensation d’accomplissement la première fois qu’il va taper dans une balle qui décollera à au moins 30, 40 ou 50 mètres, ce sera une grande sensation. Vous deviendrez alors peut être accro au golf. Le golf c’est bon pour tout : pour le mental, pour le physique et pour tous les âges. Le golf se consomme en effet dès 3 ans et il se pratique très vieux. Nous avons des abonnés qui sont centenaires. Et en plus ça se joue ensemble, entre le petit-fils de 7 ans et la grand-mère de 77 ans, contrairement à beaucoup d’autres sports. Le golf est un vrai sport grand public et fédérateur.
Bruno Cammalleri : concernant les plus jeunes, via votre espace « Stadium » qui entend préparer les nouveaux champions et la Bluegreen Academy, est-ce une façon de contribuer aux futures générations de golfeurs afin que ce sport soit pratiqué par un plus grand nombre à moyen et long terme ?
Antoine Nizan : on a 2500 jeunes de moins de 18 ans dans nos écoles de golf. Nos enseignants diplômés qui sont membres de la société Bluegreen s’occupent d’eux tous les mercredis et samedis, notamment sur le « Stadium » qui est un concept d’entraînement très innovant mis en place en 2018. Il s’apparente à un cross-training version golf, sur un format d’une heure : les participants vont d’abord s’échauffer, avant un retour au calme. Le coeur de l’entraînement est basé sur le développement de trois fonctions majeures : les fonctions athlétiques (équilibre, force, souplesse), la technique du golf et les aptitudes cognitives et mentales. Les trois font un bon golfeur et un bon adulte. On propose à nos jeunes un parcours d’une minute enchaînant des exercices basés sur l’équilibre, la mémorisation et les techniques de golf comme le putt ou le chip.
Par ailleurs, la Bluegreen Academy concerne les meilleurs de nos 2500 jeunes qui sont dans une approche compétition. On accompagne 10 jeunes chaque année ayant entre 10 et 18 ans dans leur quête du haut niveau qui vont pouvoir jouer sur l’ensemble des 48 golfs Bluegreen et qui pourront s’entraîner toute l’année autant qu’ils le souhaitent. Ils auront deux stages de trois jours en étant coachés par un entraîneur fédéral de haut niveau.
Bruno Cammalleri : avez-vous mesuré les retombées de ces différentes innovations ?
Antoine Nizan : on a un signal qui est très fort. Ces innovations n’ont pas été déployées dans nos 48 golfs. Nous avons agi de manière sereine et rationnelle en les proposant dans des sites pilotes. Par exemple, «Perfect Line » est disponible sur 8 de nos golfs, idem pour le mini-golf. D’ailleurs l’augmentation du chiffre d’affaire entre 2018 et 2019 des golfs équipés de ces innovations est bien plus importante (+ 10 points) par rapport à ceux n’ont pas été équipés. Ces chiffres sont majeurs. L’ADN de Bluegreen, c’est la création de nouveaux golfeurs. Ca fait 20 ans que nous proposons des initiations gratuites et 10 ans que nous les avons vraiment institutionnalisées. Cela fait la force de Bluegreen. On a accueilli 14 000 personnes en initiations en 2019. On en transforme 6 500 par an en vrais golfeurs puisqu’ils vont souscrire à un an de cours et passer leur carte verte pour devenir un golfeur accompli et autonome sur le parcours. En France, il y a 15 000 cartes vertes qui sont passées par an. Ces chiffres montrent que nous avons réussi à insuffler cette nouvelle dynamique du golf en France.
Bruno Cammalleri : y-a-t-il eu un effet Ryder Cup après l’édition 2018 organisée en France au Golf national de Saint-Quentin en Yvelines ?
Antoine Nizan : c’est toujours compliqué de mesurer les effets d’une telle compétition. Mais il y a bien sur un ressenti : la Ryder Cup 2018 a apporté un gros coup de projecteur sur le golf, surtout sur le plan médiatique. On a accueilli 14 000 personnes en initiations en 2019 sur l’ensemble de nos golfs. Ces personnes ont probablement entendu parler plus de golf fin 2018, ou entendu parler de golf pour la première fois, et elles se sont dit pourquoi pas. Néanmoins ce coup de projecteur s’éloigne une fois la compétition passée. En France comme dans le monde, on manque de locomotives. Le Tiger Woods des années 2000 a eu un gros passage à vide avant de revenir et il était cette locomotive. On se souvient de jeux vidéo de golf à l’effigie de Tiger Woods qui faisaient un carton dans les années 2000. Le golf a besoin de personnalités qui tirent la pratique.