DS Automobiles a été l’un des premiers constructeurs à s’engager en Formule E avec DS Performance. Avec sa livrée noir et or, ses titres mondiaux et ses pilotes stars Jean-Eric Vergne et Stoffel Vandoorne, DS possède très clairement le statut de top team de la discipline. Quels sont ses objectifs pour cette saison 10 ? Quelles synergies avec son partenaire américain Penske ? Quelle stratégie de marque et quel avenir en Formule E ? Sportsmarketing a rencontré Eugenio Franzetti, directeur de DS Performance.
Bruno Cammalleri : Vous êtes passionné de sport automobile depuis votre enfance. Comment cette passion est-elle née ?
Eugenio Franzetti : Tout petit j’étais déjà passionné de voitures et de sport automobile. J’ai attendu l’âge de 18 ans pour passer le permis de conduire et ma première voiture était une Peugeot 205 Rallye, une magnifique voiture. Aujourd’hui je reste toujours un grand passionné de voitures et de sport automobile. Il s’agit pour moi d’une passion naturelle. A l’époque quand j’habitais Milan près du fameux circuit de Monza, j’avais l’habitude de me rendre aux tests privés de F1 qui se déroulaient pendant l’été au mois d’août. C’était un vrai rendez-vous pour les passionnés et cela reste un souvenir marquant pour moi. J’ai également en mémoire la première fois où je me suis rendu sur le rallye de Monza qui se déroulait dans le grand parc de l’autodrome du même nom. Par la suite, lorsque je travaillais pour Peugeot Italie en tant que directeur de la communication et de la compétition, Peugeot avait remporté plusieurs titres nationaux de rallye en Italie avec la Peugeot 207 Super 2000 et la Peugeot 208 avec comme pilote Paolo Andreucci. Ce fut ma première expérience croisée entre passion pure et vie professionnelle.
J’ai aussi exercé dans ma carrière au poste de directeur de la communication à plusieurs reprises, au niveau local et international avec Peugeot, et j’ai eu l’opportunité d’avoir des expériences commerciales (directeur ventes de Citroën en Italie, directeur de la marque DS en Italie). J’ai touché au commerce, au marketing, à la communication, et lorsqu’on m’a proposé de devenir directeur de DS Performance en novembre 2022 j’étais très heureux parce que j’augmentais encore davantage mon périmètre d’expériences professionnelles tout en continuant mon parcours de passionné dans le sport automobile.
Bruno Cammalleri : Après 2 titres constructeurs pour DS Techeetah, la concurrence semble de plus en plus féroce avec d’abord Mercedes lors des saisons 7 et 8, puis depuis le début de l’ère Gen 3 Porsche, Jaguar et leur équipes clientes Andretti et Envision. Quels sont les objectifs cette saison pour DS Penske et comment lutter face à Porsche et Jaguar ?
Eugenio Franzetti : Pour un constructeur comme DS et avec notre palmarès, l’objectif reste toujours de gagner ! Nous sommes bien préparés pour cela, nous en avons l’expérience. Nous avons les talents pour cela, les mécaniciens, les ingénieurs, les 2 pilotes qui sont des champions de Formule E et notre partenaire Penske. Lors de la saison 9 nous n’avons pas obtenu les résultats attendus et nous avons eu du mal à bien comprendre la Gen 3 par rapport à d’autres équipes et nous sommes passés à côté des trois premières courses. Ensuite sur le reste de la saison 9 nous avions su mieux performer sur la période février-mai avec la victoire de Jean-Eric Vergne à Hyderabad, sa deuxième place à Cape Town et la pole de Stoffel Vandoorne à Sao Paulo. La concurrence était encore plus forte sur la suite de la saison, nous avons commis quelques erreurs comme à Monaco ou Portland et il y a eu quelques épisodes de malchance.
Nous ne sommes pas les favoris de la saison 10, étant donné que la Gen 3 a montré qu’il y a au minimum 2 constructeurs favoris que sont Jaguar et Porsche. Cette saison nous sommes des outsiders, mais nous avons énormément travaillé pendant l’intersaison pour améliorer les performances de notre voiture afin de nous rapprocher de Jaguar et Porsche. Les premiers résultats de la saison 10 nous confirment que nous avons bien travaillé, nous sommes dans la bonne direction. Tous les efforts de toute l’équipe – ingénieurs, mécaniciens, pilotes – ont déjà donné de bons résultats puisque DS Penske occupe actuellement la 2ème place du championnat constructeurs. Globalement, nous devons sur la saison 10 améliorer notre performance d’ensemble de la saison 9, et monter sur le podium. C’est un objectif difficile car le niveau de la Formule E a significativement augmenté ces dernières années. Surtout avec le leadership de Jaguar et Porsche et donc 8 voitures de pointe avec également Envision et Andretti. Il y a en quelque sorte 4 Jaguar et 4 Porsche. Arriver au milieu de ces 8 c’est déjà du super boulot , c’est la raison pour laquelle nous sommes satisfaits de nos performances de Mexico (6ème place de Vergne) et de Riyad (pole et 2ème place de Vergne, 5ème place de Vandoorne). La voiture est donc performante !
Bruno Cammalleri : DS est le seul constructeur français engagé en Formule E. Dans son line-up l’écurie compte un pilote tricolore double champion qui est Jean-Eric Vergne. Mais JEV est plus qu’un pilote dans le groupe Stellantis, il est aussi un ambassadeur pour DS et pilote Peugeot en Endurance…
Eugenio Franzetti : Il est membre de la famille ! Il est ambassadeur DS depuis 5 ans et également pilote Peugeot en WEC. JEV est un fighter qui mixe le talent pur, l’agressivité et l’intelligence. Cela fait de lui un pilote complet. Il est toujours en capacité de dépasser, il prépare très bien ses dépassements mais sans prendre trop de risques pour lui comme pour les autres. C’est un super pilote, un super talent qui fait partie de la famille. Regardez comment il a doublé Evans à Riyad : il a bien préparé sa manoeuvre, il est resté à côté d’Evans , puis dans le virage suivant il se trouvait du bon côté de la piste pour finir le dépassement. Sa défense pour conserver sa seconde place en fin de course était tout aussi géniale.
Bruno Cammalleri : Sur le plan technologique, DS bénéficie des transferts de technologies issues de la Formule E. Et sur le plan marketing, s’agissant de votre positionnement en tant que marque premium française, comment le championnat du monde de Formule E bénéficie à DS ?
Eugenio Franzetti : Le sport automobile demeure une magnifique plateforme pour la recherche/développement et les aspects de visibilité/communication. S’agissant des enjeux de recherche & développement, la stratégie de la marque DS a démarré dès 2015 en Formule E. Il faut se souvenir que la marque DS est née en 2014 avec l’idée d’être une marque électrifiée plus tôt que les autres. Nous avons utilisé le sport auto et l’expérience de la Formule E pour créer des ponts entre le circuit et les voitures de série. Grâce à la Gen 2, nous avons développé notre gamme actuelle de voitures et grâce à l’expérience acquise avec la Gen 3 nous préparons la prochaine génération de voitures 100% électriques de DS. A partir de 2024 toutes les nouvelles voitures de DS seront 100% électriques. L’expérience très poussée, voire extrême, du sport automobile, est ensuite partagée du circuit à la route.
Le sport automobile est également un booster de communication et de visibilité. Notre choix stratégique, pour une marque née en 2014 qui avait besoin d’un boost d’image et de notoriété, s’est porté vers le sport automobile. Lequel ? Le sport automobile électrique pour booster l’image de la marque… mais pas seulement l’image de la marque : l’image d’une marque premium électrifiée. Nous avons utilisé la visibilité mondiale de la Formule E qui est désormais un championnat du monde possédant entre 330 et 340 millions de fans à travers la planète. Ces fans connaissent DS Performance et DS Automobiles parce que nous sommes présents en Formule E depuis le début et parce que nous avons gagné des championnats. Ensuite, il faut les bonnes activations de marque sur le plan marketing et de la communication pour pouvoir être en capacité de passer les bons messages. Quels sont ces messages ? Que DS est une marque premium française ayant développé une technologie gagnante dans l’électrique, et que nos voitures de route possèdent l’expérience acquise en sport automobile. Selon une étude de Nielsen, une personne qui souhaite acquérir une voiture électrique a davantage confiance (entre 20 et 30% de plus) en une marque participant au championnat du monde de Formule E.
Bruno Cammalleri : Le futur de DS s’inscrit-il toujours en Formule E ?
Eugenio Franzetti : Nous avons signé avec la Formule E jusqu’en 2026 et donc jusqu’à la fin de la saison 12 avec Penske, soit le cycle de vie de la Gen 3. Nous sommes déjà là tous ensemble avec la FIA, la Formule E, Stellantis Motorsport et tous les autres constructeurs en train de travailler sur le cahier des charges de la Gen 4.
Bruno Cammalleri : Pourquoi avoir choisi Penske comme partenaire pour DS après l’association avec Techeetah ? Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionnent les synergies existantes dans le partenariat entre DS et Penske ?
Eugenio Franzetti : Notre choix s’est porté sur Penske en particulier pour sa grande expérience globale en sport automobile et en Formule E étant donné qu’ils sont engagés depuis la saison 1. Dans un team de Formule E il y a un constructeur avec un staff d’ingénieurs talentueux en charge du design du moteur, de l’inverter et de la boîte de vitesse. Tous ces éléments sont réalisés par DS Performance. Ce sont ces ingénieurs-là qui ont développé la « power unit » DS Performance et qui nous ont mené aux titres mondiaux avec la Gen 2. Cette unité de puissance est mise sur la voiture où toutes les autres parties sont communes (moteur avant, coque, amortisseur avant, batterie). Le savoir-faire et la performance proviennent de l’unité de puissance du constructeur, du travail de nos pilotes et des réglages que l’écurie est capable de faire sur chaque piste. Le mélange de DS et Penske est hyper positif ! Il y a l’expérience de la gestion des voitures en piste de Penske et le savoir-faire de DS Performance pour penser et concevoir l’unité de puissance.
Bruno Cammalleri : DS Penske compte actuellement 14 partenaires : un français (TotalEnergies), un belge (Syensqo), un saoudien (SRMG) et la plupart des autres américains (PMC, TTI, Mouser, Kyocera Avx, Rolling Stone). Comment ce panel de partenaires est-il développé ?
Eugenio Franzetti : Jay Penske est le propriétaire d’un très grand groupe de médias qui est PMC, Penske Media Corporation. Ce groupe compte des magazines très célèbres comme Rolling Stone ou encore Billboard. Un tel groupe ayant cette force de frappe dans l’édition peut nous aider à augmenter notre visibilité, d’où la présence des partenaires américains qui sont membres de la galaxie PMC. Nous avons par ailleurs une organisation commerciale au niveau de DS Performance et au niveau de Penske pour recruter de nouveaux sponsors. Nous avons également parmi nos principaux partenaires SRMG, un sponsor saoudien, et TotalEnergies, partenaire historique de Stellantis Motorsport. Nous venons de signer en janvier 2024 avec la société belge Syensqo, une marque née dans la galaxie Solvay. Nous avons des partenaires très différents provenant de différentes parties du monde et nous restons bien sur à la recherche de nouveaux partenaires susceptibles de nous rejoindre.